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Décès du streamer Jean Pormanove : que nous apprend-elle sur la responsabilité des plateformes ?



Le décès du streamer français Jean Pormanove (Raphaël Graven), survenu en plein direct après près de douze jours de streaming sur la plateforme Kick, a choqué l’opinion publique.
L’affaire a mis en lumière des mois de maltraitances physiques et psychologiques retransmises en direct devant des milliers de spectateurs.

Face à cette tragédie, plusieurs voix politiques, dont notre chère ministre du Numérique, ont déclaré que les plateformes sont responsables des contenus qu’elles diffusent. Une affirmation qui semble évidente… mais qui est fausse. Pour une Ministre du numérique, ça fait tache.

Hébergeur ou éditeur : une distinction clé


Pour comprendre ce débat, il faut revenir sur un point fondamental du droit du numérique : la différence entre un hébergeur et un éditeur.



Un hébergeur n’est pas responsable par défaut des contenus mis en ligne par ses utilisateurs. En revanche, la loi lui impose d’agir dès qu’il a connaissance d’un contenu manifestement illicite (violence, incitation à la haine, mise en danger, etc.).

Cette règle vient de la directive européenne sur le commerce électronique (2000) et reste la base du droit numérique en Europe.


Que dit la loi aujourd’hui ?



Concrètement :

C’est ce qu’on appelle une responsabilité conditionnelle et a posteriori, différente de celle d’un éditeur ou d’un média comme on le peut voir sur une chaîne d’information par exemple.

Cas concrets : quand les plateformes ont dû réagir

Pour mieux comprendre, voici trois cas emblématiques :

YouTube et les vidéos violentes

En 2017, après la diffusion de contenus violents et extrémistes, plusieurs grandes marques ont retiré leurs publicités de YouTube.
Résultat : YouTube a renforcé ses algorithmes de détection et sa modération humaine, même si la responsabilité juridique restait limitée. Ici, la pression était surtout commerciale.

Facebook Live et l’attentat de Christchurch (2019)

Un terroriste a diffusé en direct l’attaque d’une mosquée en Nouvelle-Zélande. La vidéo a circulé massivement malgré sa suppression initiale.
Cet épisode a poussé Facebook à mettre en place des restrictions fortes sur ses lives et à développer une modération plus proactive. Mais là encore, juridiquement, Facebook n’était pas considéré comme « éditeur ».

Twitch et la modération communautaire

Twitch, principal concurrent de Kick, applique une politique stricte : harcèlement, violence et mises en danger peuvent entraîner des bannissements rapides.
Ici, la plateforme choisit volontairement d’aller plus loin que la loi pour protéger son image et ses utilisateurs.

Pourquoi le cas Kick est particulier

Kick s’est positionnée comme une alternative « plus libre » à Twitch, avec une modération moins stricte.
Dans le cas Jean Pormanove, on peut se poser deux questions cruciales :

Si la réponse est non, son statut d’hébergeur la protège encore… mais ce drame illustre les limites de ce modèle, surtout pour les contenus en direct où chaque minute compte.

On a encore du boulot.

La mort de Jean Pormanove n’est pas seulement un drame humain. Elle pose une question de fond : veut-on que les plateformes restent de simples hébergeurs, ou qu’elles deviennent de véritables éditeurs avec une responsabilité totale sur chaque contenu diffusé ?

Un choix qui déterminera l’avenir du web… et non Madame la Ministre, il est temps de commencer à travailler sur le sujet.

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