TikTok sous enquête : quand les députés découvrent le scroll infini

TikTok sous enquête : quand les députés découvrent le scroll infini

15 septembre 2025 0 Par Thomas Encarnação

Difficile aujourd’hui de croiser un ado sans voir TikTok scintiller sur son écran. L’application chinoise a conquis la jeunesse française à une vitesse fulgurante, au point de devenir leur premier terrain de jeu numérique. Mais derrière les chorégraphies et les vidéos d’animaux mignons, l’algorithme roi suscite de plus en plus d’inquiétudes : addiction, exposition à des contenus nocifs, nuits écourtées. Face à cette déferlante, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête pour comprendre ce que TikTok fait réellement aux mineurs. Après des mois d’auditions, de témoignages et de buzz médiatique, le rapport est tombé : 43 recommandations, allant de l’interdiction pure et simple aux couvre-feux numériques. Mais sont-elles à la hauteur des enjeux ?

Pourquoi une commission sur TikTok ?

TikTok est devenu le terrain de jeu préféré des ados français. Mais derrière les chorés, il y a un fil d’actualité calibré par un algorithme dont l’unique but est simple : retenir ton attention jusqu’à ce que la batterie lâche. Résultat : temps d’écran explosifs, contenus parfois toxiques, et des parents qui voient leurs gamins plus concentrés devant un live de mukbang qu’en cours de maths.

Devant ce constat, les députés ont créé une commission d’enquête pour comprendre « ce que TikTok fait au cerveau de nos enfants ». Bonne intention, mais avec en toile de fond une question : la République a-t-elle vraiment les outils pour réguler l’addiction numérique ?

Le diagnostic des députés

Après des mois d’auditions et de témoignages, la commission a pointé trois gros problèmes :

  1. Un algorithme qui accroche par tous les moyens : il apprend tes préférences à vitesse grand V et te sert une dose infinie de contenu qui colle à tes faiblesses.

  2. Des contenus dangereux qui circulent trop facilement : troubles alimentaires, défis absurdes, désinformation médicale… Pas exactement la version éducative d’Internet.

  3. Une vérification d’âge ridicule : officiellement interdit aux moins de 13 ans, TikTok est en réalité ouvert à n’importe quel collégien capable de bidouiller sa date de naissance.

Les 43 recommandations (version concentrée)

La commission propose des mesures fortes :

  • Interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans (hors messagerie). On rigole déjà.

  • Instaurer un couvre-feu numérique pour les 15-18 ans, de 22h à 8h. On rigole encore.

  • Supprimer les téléphones dans les lycées pour recréer des espaces sans écran. On rigole toujours.

  • Créer un délit de “négligence numérique” pour responsabiliser les parents. On a plus envie de rigoler.

  • Lancer des campagnes de sensibilisation massives sur les risques liés aux écrans. On a presque envie d’y croire.

Bref, des solutions qui donnent l’impression qu’on veut protéger la jeunesse… mais qui ressemblent parfois à une liste d’interdictions qu’un ado de 14 ans trouvera mille façons de contourner.

Mon regard : des bonnes intentions, mais un mode d’emploi dépassé

Soyons clairs : les députés posent les bons constats. Oui, TikTok joue avec l’attention des mineurs. Oui, il existe du contenu toxiques. Oui, les familles sont souvent démunies.

Mais les solutions proposées donnent le sentiment d’un gap générationnel. Comme si on essayait de combattre l’algorithme le plus puissant du monde avec des mesures dignes d’un internat des années 90.

  • Interdiction aux moins de 15 ans ? Inapplicable sans une surveillance généralisée des identités. Ce principe fait déjà débat avec l’interdiction des sites pour adultes aux mineurs via une vérification d’identité.

  • Couvre-feu numérique ? Utile sur le papier, mais naïf dans la pratique. Les ados contournent déjà les limites parentales, ils contourneront celles de l’État encore plus facilement.

  • Délit de négligence pour les parents ? Risque d’ajouter de la culpabilité plutôt que du soutien, alors que la fracture numérique touche aussi les familles.

En résumé : la commission met le doigt sur les vrais dangers, mais répond souvent par des solutions “magiques” difficiles à appliquer dans la vraie vie. Symptomatique d’un monde politique déconnecté de la réalité.

Mes recommandations alternatives

Pour sortir de l’utopie punitive et aller vers du concret, voilà ce que je défendrais :

  1. Éduquer dès le plus jeune âge
    Pas seulement “attention aux écrans”, mais comprendre comment marche un algorithme, reconnaître la pub déguisée, analyser une info douteuse. Faire des enfants des citoyens numériques, pas des victimes passives. On en revient toujours au même point soulevé dans d’autres articles : notre génération à découvert internet et ses dérives. La nouvelle doit avoir le recul nécessaire via l’éducation aux médias sociaux.

  2. Responsabiliser les plateformes

    • Sanctions financières en cas de diffusion massive de contenus nocifs.

    • Vrais outils de contrôle d’âge, respectueux de la vie privée.

    • Sans vraiment y croire : obligation de transparence sur les algorithmes. Au moins pour les régulateurs avec des clauses de confidentialités évidentes.
  3. Outiller les parents
    Au lieu de brandir la menace pénale, réponse totalement inefficace, donnons-leur des formations simples, des applis de suivi efficaces, des relais avec les écoles. Éduquons les autant que l’on veut éduquer nos enfants.

  4. Valoriser les bons usages
    TikTok peut aussi être une vitrine culturelle, éducative, solidaire. Au lieu de diaboliser, il faut apprendre aux jeunes à en faire un usage actif et pas seulement passif, et se faire le relais des contenus qualitatif.

Conclusion

La commission d’enquête sur TikTok aura au moins eu le mérite de mettre un grand coup de projecteur sur un problème réel : nos enfants grandissent dans un écosystème pensé pour les capter, pas pour les protéger.

Mais réguler TikTok par l’interdiction et le couvre-feu, c’est un peu comme vouloir régler l’addiction au sucre en interdisant les desserts : ça ne marche que sur le papier.

La vraie bataille se joue ailleurs : dans l’éducation, dans la régulation des plateformes, et dans la capacité à construire une culture numérique commune entre parents, enfants et institutions. Parce que pendant qu’on débat, le scroll, lui, continue.

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