Le dropshipping : arnaque ou pas ?

Le dropshipping : arnaque ou pas ?

4 janvier 2019 6 Par Thomas Encarnação

Si tu me suis sur Twitter, tu as pu constater que depuis quelques mois, j’ai engagé une véritable lutte sur les arnaques dans les placements de produits des influenceurs. Ce sujet a pris une nouvelle dimension depuis qu’Emma CakeCup et Oltean Vlad sont tombés directement dedans, la tête la première. Et quand on a une communauté de plusieurs millions de personnes à ses pieds, mais surtout qu’on sort pour une fois du domaine de la TV Réalité, presque habitué à ce genre de scandale qui ne choque plus personne, le retour à la réalité peut vite faire très très mal. Qu’ils se soient eux-même fait avoir ou pas, il y a un sujet récurrent sur toutes ces arnaques : le dropshipping. Si certaines arnaques sont plus élaborées que d’autres, il est SYSTÉMATIQUEMENT question de dropshipping. Focus sur un commerce facile et rentable, pour le meilleur comme pour le pire.

Le dropshipping, c’est quoi ?

Il est nécessaire de définir exactement la pratique pour comprendre.

Pour un commerçant sur internet que l’on appellera boutique A, dans la majorité des cas, il y a une gestion des stock a effectuer : pour gagner de l’argent, un commerçant achète en grande quantité certains produits (des câbles USB par exemple), à un tarif préférentiel car il prend un risque en achetant 1 000 ou 10 000 câbles d’un coup. Il revend ensuite par unité un peu plus cher, pour pouvoir dégager un bénéfice. Il dispose donc de son propre stock, et gère lui même ses envois, avec le mode de livraison qu’il souhaite. Tout est gérée en interne, mais le commerçant court un risque si il n’écoule pas tous son stock.

Dans ce système là, la boutique A pourrait faire des économies de fonctionnement. Comment ? En supprimant certains coûts, et également certains risques. C’est ce que fait la boutique B, qui utilise le dropshipping. La boutique B n’a pas de stock. Ainsi, elle n’a pas a supporter les coûts d’un local, ni ceux des employés chargés de gérer les stocks, ou même d’un logiciel de gestion de stock. La boutique B au final, elle n’a besoin que d’un nom de domaine, et d’un développeur pour créer une boutique en ligne (et encore, la plus part sont sur Shopify, ce qui ne demande que de faibles connaissances techniques).

La différence intervient après le paiement. Sur la boutique A, la commande est envoyée et gérée par les équipes de la même boutique, et rencontre généralement peu d’incident. Sur la boutique B, la commande est transmise à un fournisseur (généralement vers AliExpress), qui s’occupe du produit et de son expédition. Les délais sont alors beaucoup plus long. C’est là l’inconvénient majeur du système, mais il compense largement les avantages (pas besoin de local, d’employés, et pas de risque sur les stocks).

Est-ce que c’est légal ?

La réponse est oui. En France, personne ne peut être condamné pour avoir gagner de l’argent grâce à un système de dropshipping. Si il y a des poursuites, c’est qu’il y a autre chose derrière.

Légalement parlant, il doit absolument avoir un contrat de dropshipping, qui va définir les droits et les devoirs du e-commerçant (la boutique B), et le fournisseur (Là ou la boutique B transmet ses commandes). Le commerçant doit également déclarer son activité au registre des sociétés en tant qu’activité commerciale, ou auto-entrepreneur. Le fait de réaliser des actes marchands l’oblige à être déclarer.

La question qui se pose souvent est la suivante : en cas de problème, qui est responsable ? La boutique B ou son fournisseur ?

L’article L121-20-3 du code de la consommation est très clair à ce sujet :

Le professionnel est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance, que ces obligations soient à exécuter par le professionnel qui a conclu ce contrat ou par d’autres prestataires de services, sans préjudice de son droit de recours contre ceux-ci.

Traduction : c’est la boutique B qui est responsable du suivi de la commande, et non pas son fournisseur.

Mais alors le fournisseur dans tout ça ? Et bien il ne risque pas grand chose. En revanche, le contrat de dropshipping écrit au départ l’encadre sur ce qui concerne les paiements et la gestion des retours. En cas de litige, le contrat définit à qui est la responsabilité.

Pourquoi on associe beaucoup le dropshipping aux influenceurs ?

Pour un dropshipper, un influenceur = DU PAIN BÉNI ! Effectivement, un influenceur possède une communauté engagée, et qui ont généralement une relation de confiance très forte avec leurs abonnés (notamment sur YouTube ou dans la TV Réalité). Alors si par exemple Ammy CakeAuCitron recommande la montre de la marque ISwiss, avec en plus un code promo de 60%, c’est la bonne affaire ! Le dropshipper est quasiment certain de faire des ventes, et sachant que ces coûts de production sont quasi néants, il peut alors investir quelques centaines d’euros qui seront rentabilisé en a peine 5 ventes d’un produit « de luxe » qui ne lui coûtera rien.

Mais l’influenceur dans tout ça, il est victime également ? Et bien là, c’est plus compliqué. A titre personnel, j’ai énormément de mal à croire au fait qu’il se présente en disant « Bonjour, je vend des montres AliExpress à 4 euros sur un site les présentant contre des montres de luxe qualité suisse à 300 euros pièces ! Comme je suis gentil, je fais un code promo de 60% (Plus de 150 euros de réduction !), et je vous rémunère 500 euros pour faire 5 stories sur ce produit ». Tout de suite, même si c’est la réalité, et que le site est parfaitement légal, ça pue l’arnaque non ? Donc oui soyons honnête, rare sont ceux qui acceptent un partenariat dans ces conditions. Et c’est un peu la zone d’ombre de mon raisonnement, on ne peut pas savoir si les influenceurs réalisent le partenariat en ayant conscience du système. Si oui, cela les regardent après tout. Si non, généralement après quelques plaintes, il y a des excuses, des remboursements, ou des procédures de justices engagés.

Je n’irais par contre pas dire qu’ils sont victimes de cette situation. J’en ai vu certains se faire avoir, c’est regrettable, mais ça peut arriver, et en général, ils remboursent eux-même leur communauté, par souci d’image plus que légal (au final ils ne sont qu’un relai de communication, mais conserver une confiance avec leurs abonnés, c’est comme conserver leur emploi, c’est la confiance qui les fait vivre n’oublions pas). Aujourd’hui, il y a tellement de scandales que l’on ne peut plus dire que l’on est pas au courant, surtout que généralement, les visuels sont exactement les mêmes que sur AliExpress (pourquoi se faire chier à changer un visuel si ça marche me diriez vous). Une rapide recherche sur Google vous donnera pourtant immédiatement la réponse.

Du coup c’est quoi le problème avec le dropshipping ?

Le fait de simplifier au maximum la gestion du commerce grâce à la non gestion des stocks, créer une boutique Shopify devient (quasiment) à la portée de tous. Et comme tout commerce peu coûteux, très rentable et très accessible, les créations explosent littéralement, pour le meilleur, mais bien trop souvent pour le pire. Voici donc les pratiques les plus récurrentes que vous pouvez avoir sur des sites peu scrupuleux utilisant ce système. Tous les exemples donnés ici sont issus de produits mis en avant par des influenceurs.

Faire croire à une bonne affaire en sur-gonflant le prix de base.

Probablement la méthode la plus connue. Pour être concret, prenons comme exemple notre fameuse boutique B, adepte du dropshipping. Le gérant de la boutique B va proposer à la vente une montre d’une certaine marque. Sur son site, la montre est affichée au prix de 400 euros. Ce prix de 400 euros va être barré, pour afficher finalement une grosse réduction (60€ euros à payer au final). Problème, la montre n’a jamais valu 400 euros, car le fournisseur (AliExpress souvent dans le cas de la TV Réalité) la vend en réalité une dizaine d’euros grand maximum.

C’est légal tout ça ? C’est à voir au cas par cas. Après quelques recherches, le site du service public en France impose que « ‘l’annonceur doit pouvoir justifier de la réalité du prix de référence à partir duquel la réduction de prix est annoncée, au moyen de tout document (notes, bordereaux, bons de commande, tickets de caisse, etc.) ». En cas de contrôle, ce qui est malheureusement pour le consommateur jamais le cas, la boutique B doit donc pouvoir justifier que cette montre a bien été vendue à 350 euros, et que la réduction est limitée dans le temps (48h qui au final se prolongent plusieurs mois).

Mentir sur l’origine du produit, ou sur sa qualité.

Lorsqu’on tombe sur ce genre de prix et ce genre de réductions sur l’exemple juste au-dessus, il y a un autre problème qui va souvent de paire : la fabrication. Justifier le prix d’une montre peut par exemple passer par le fait qu’elle est « Fabriquée en Suisse », pays de l’horlogerie haut de gamme. C’est évidemment totalement faux. Dans ce cas là, on parle de « pratiques commerciales déloyales » et/ou « pratique commerciale trompeuses ». Ces parties englobent un énorme fourre tout juridique de toutes les entourloupes possibles et inimaginables.

L’article L121-1 du Code de la Consommation définit la pratique commerciale déloyale de cette manière : Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.

Si je traduis de manière très simple, cela veut dire qu’une pratique commerciale est reconnue comme déloyal si elle induit volontairement en erreur le comportement de l’acheteur. Pour notre exemple, la montre « fabriquée en suisse » induit en erreur, déjà car c’est faux, et ensuite car elle fait croire à un produit très haut de gamme et de bonne qualité. L’acheteur pense alors acheter un produit qui au final ne répondra pas à ce qu’on lui vend réellement.

« Oublier » de déclarer son activité

C’est pourtant normalement la première étape du processus de création d’une entreprise. Devant pourtant la simplicité de création d’un site, certains ne s’embêtent pas avec ce détail. Pourtant, lorsqu’une plainte est déposée, comment remonte-t-on jusqu’au propriétaire du site ? On va voir dans la section obligatoire de chaque site internet : les mentions légales ! (Par exemple, voici les mentions légales de mon blog). Dans ces mentions légales, vous devriez trouver un code que l’on appelle SIRET, qui est donnée par l’État lorsqu’on ouvre une entreprise. SIRET veut d’ailleurs dire Système d’Identification du Répertoire des ÉTablissements. C’est un peu comme la carte d’identité de l’entreprise, et c’est grâce à cela qu’on trouve le ou les propriétaires de l’entreprise.

Mais du coup, pas de SIRET, pas de responsables 😏 ? C’est… totalement ça. Attention, l’article 6 de la LCEN (Loi de Confiance dans l’Économie Numérique) sanctionne très fortement cette pratique. L’absence de mentions légales est sanctionnée jusqu’à un an d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende pour le dirigeant ou cinq fois plus pour les personnes morales, à savoir l’entreprise. Les Mentions Légales doivent également comprendre des conditions générales de ventes, également obligatoires sur un site marchand.

Comment se protéger des quenelles qu’on tente de vous mettre ?

Je m’adresse ici également aux influenceurs. Je sais que quand on doit gérer une grande communauté, un planning de publication régulier ainsi que des opérations commerciale (Parce que oui personne ne va vous reprocher de gagner votre vie), vous recevez absolument tout et n’importe quoi dans vos boites mails quand il s’agit de demandes commerciales. C’est pour cela que je vais ici détailler quelques techniques pour pouvoir vérifier si vous avez à faire à quelqu’un d’honnête, qui apportera un produit intéressant pour votre communauté, ou a un escroc 2.0.

Le certificat HTTPS est obligatoire ! C’est le petit cadenas vert qui doit s’afficher dans la barre de recherche de votre navigateur, à gauche du lien de votre page. Il garantit que les échanges entre votre machine et le serveur du site sont sécurisées : inutile de préciser que si vous devez rentrer les coordonnées de votre carte bleue dans un site, autant être sur que les données ne vont pas être aspirées par d’autres personnes. C’est un point essentiel, pas de cadenas vert, pas de sécurité et donc probablement quelqu’un qui ne vous veut pas que du bien. Attention tout de même, un certificat HTTPS ne garantit pas que le vendeur est de bonne foi.

La présence de Mentions Légales

C’est obligatoire sur chaque site marchand : une page mention légales, avec les coordonnés de l’entreprise et de l’hébergeur du site, mais également une page de CGV (Conditions Générales de Ventes), et de CGU (Conditions Générales d’Utilisation). Si une de ces pages ne se trouve pas en bas du site, c’est illégal, mais c’est surtout un indice clair que la personne qui gère le site a quelque chose à vous cacher : soit il ne veut pas que vous puissiez le recontacter, soit il vend un produit illégalement.

La recherche avancée du produit

Avoir de grosses réductions sur un site est également suspect. Sur Amazon par exemple, vous trouvez souvent des réductions de 10, 15, 30%. Plus, c’est souvent exceptionnel. Avoir un produit qui est brade à 60, 70% ou plus, doit être un indice de plus pour vous alerter. Je vous conseille alors de chercher le produit ailleurs : pour une montre par exemple, si une marque se trouve sur le cadran, taper la marque sur votre moteur de recherche : peut-être pouvez vous trouvez un autre site auquel vous feriez une comparaison. Vous pouvez également faire une recherche d’images inversée sur Google : la pluspart ne prennent même pas le temps de changer le visuel qui est alors exactement le même.

Le site Scamdoc

Scamdoc est un site web qui permet d’évaluer la confiance d’une « identité numérique ». Il utilise un algorithme complexe qui vérifie plusieurs points sur un site internet, et en déduit un pourcentage de confiance. Je ne dis pas que ce site est infaillible, mais j’ai testé quelques pistes et j’ai été assez convaincu du résultat. Un petit passage sur ce site peut aider a relevé quelques soupçons !

Conclusion

Quand on y pense le dropshipping c’est un peu une idée de génie : faire du business depuis sa chaise avec un risque quasiment nul… mais évidemment comme tout argent facile, cela attire les convoitises. Je ne dis pas que c’est une méthode d’escroc, c’est une manière de se faire de l’argent comme une autre. Le problème n’est pas le dropshipping en lui-même mais tous les enfants illégitimes qu’il nous a pondu. Internet est un formidable outil, pour le meilleur, comme pour le pire.

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